A L’HEURE DE L’ABSINTHE
Elle fait désormais partie du mythe de la Belle Epoque ;
la boisson des artistes maudits, des poètes en mal d’inspiration. Son surnom a
été donné par Oscar Wilde « the green fairy » (la fée verte).
Et pourtant… Sous le Second Empire, l’absinthe était la
boisson préférée de la bourgeoisie. Mais son prix ne cessant de chuter et sa
fabrication perdant en qualité, elle devint rapidement « la » boisson
la plus servie dans les estaminets et cabarets des quartiers Bohème :
Montmartre, Batignolles… Bref, c’est la boisson des artistes : peintres,
écrivains se retrouvent à partir de 17 h dans les cafés de Paris pour honorer
comme il se doit cette boisson : c’est l’heure verte.
Charles Cros, qui disait-on, buvait 20 verres d’absinthe
d’affilée par nuit écrit :
« Comme bercée en un hamac,
La pensée oscille et tournoie,
A cette heure ou tout estomac
Dans un flot d’absinthe se noie, … »
La pensée oscille et tournoie,
A cette heure ou tout estomac
Dans un flot d’absinthe se noie, … »
Impossible de ne pas
parler de Vincent Van Gogh, dont le diagnostic est lié selon certains médecins
à l’excès d’absinthe : plante contenant des tuyones dont le taux élevé rendait
fou, disait-on. N’était-ce pas plutôt le degré d’alcool particulièrement élevé
à cette époque (entre 68 et 72° C) et la quantité chaque jour ingérée qui
provoquait la « folie » dont on accusait cette boisson ?
En 1915, l’absinthe
est donc interdite en France. Mais après la première guerre mondiale, les
boissons anisées seront de nouveau autorisées, à condition :
- De ne pas dépasser
30°C
- Et d’avoir une
couleur différente de celle de l’absinthe
Le pastis ne devait
produire qu’un léger « louchissement », un petit trouble quoi !
En 1922, le degré d’alcool
légal est porté à 40°C, ce qui arrange les affaires d’un jeune homme pressé de
23 ans, ancien élève des Beaux Arts de Marseille qui élabore en 1932 une
formule macérée à base d’anis étoilé, d’anis vert et de réglisse… On connaît la
suite de l’histoire.
Pour revenir à un
propos plus artistique ( !), les peintres ont montré avec réalisme ces
buveurs d’absinthe : Manet ou Degas
Edouard Manet - 1859
Ny Carlsberg Glypotek
A droite :
L'absinthe - Edgar Degas
1876 - Musée d'Orsay
Rien de réjouissant dans ces
tableaux.
Edgar
Degas a peint son tableau au Café de la Nouvelle Athènes situé 9 place
Pigalle où il rencontrait parfois Manet.
Au XXIè siècle, l’absinthe
est de nouveau autorisée. Le degré d’alcool est moindre. La belle couleur verte
est revenue. Le vert de l’espoir ? Certainement, si on la boit à deux !
L’absinthe est-elle
toujours amère ? Faut-il sacrifier au rite de la cuillère et du morceau de
sucre pour la boire ? Tout dépend des goûts !
Mais justement quel
goût peut avoir une absinthe bue 24 heures après avoir été servie ? Le goût des regrets de l'avoir désirée a répondu le buveur. Le gout de l'amertume et d'une infinie tristesse pensera celle qui l'a préparée et qui ne l'a même pas goûtée... L'absinthe rend poétique !!