lundi 23 mars 2015

C'EST L'HEURE DU BAIN !

Le véritable printemps est arrivé mais le ciel est à nouveau gris. Je redeviens donc "rat de musée" le temps d'une exposition consacrée à la Toilette.

Le musée Marmottan s'intéresse jusqu'au mois de juillet* aux manières de propreté et à la naissance de l'intime.
Mais d'abord que signifie le mot "toilette" ? Il est devenu désuet. L'expression "faire sa toilette" est de nos jours peu employée et on lui préfère des expressions plus parlantes telles que "prendre une douche ou un bain".
Au début du XVIIè siècle, la toilette est le linge ou la dentelle que l'on déplie sur la table (on ne parle pas encore de coiffeuse) où l'on va poser les accessoires nécessaires à la mise en beauté.
En revanche, à la fin du XVIIè siècle, le mot "toilette" désigne le rite qui consiste à changer de vêtement :

"Une bonne chemise de toile changée tous les jours vaut, à mon avis, le bain quotidien des Romains"
Martin Lister, voyageur - 1698.

Cette phrase laissant forcément perplexe l'homme du XXIè siècle induit une autre question fondamentale : La toilette sous-entend-elle l'usage de l'eau ?

Au Moyen Age et à la Renaissance, le bain est un rituel : la tapisserie datant des environs de 1500, pièce de la tenture de la Vie Seigneuriale nous montre une dame au corps idéalisé couvert d'un voile transparent et parée de bijoux. Elle est entourée de musiciens et de servantes.
Les célèbres "Dames au bain" de la Renaissance évoquent le bain pris au lendemain des relevailles. Rite de purification, cérémonie, il n'est pas lié au quotidien et à la nécessité d'être propre.
D'ailleurs, les images présentées ne nous montrent en aucun cas des dames en train de se laver, se frotter ou se frictionner.

Au XVIIè siècle, la "toilette sèche" est de rigueur : frotter son corps avec un linge humide et surtout, comme nous le citions plus haut, changer de vêtement, sont suffisants au maintien de la propreté. L'eau fait peur : on est persuadé que les épidémies des siècles passés ont eu l'eau pour vecteur. On ne va donc quand même pas risquer la mort en se baignant !!!

Ce n'est qu'au XVIIIè siècle que l'eau est à nouveau utilisée. Les scènes de genre montrant des femmes au bain en font état : La jeune femme à la toilette peinte par François Eisen en 1742 nous montre une servante remplissant d'eau chaude un bidet (celui-ci vient à peine d'être inventé) : outre sa fonction hygiénique, il sert également de contraceptif : on imagine aisément le taux de fiabilité !
François Boucher nous a laissés une série de petits tableaux nous permettant de pénétrer l'intimité des femmes de l'aristocratie ; ces tableaux fonctionnaient par paires et étaient accrochés l'un sur l'autre (par exemple : la gimblette et l'oeil indiscret). On ne dévoilait le tableau du dessous qu'aux amis et relations proches. Le format ovale, fait penser à un trou de serrure et relègue celui qui est invité à regarder au rang de voyeur. Précisons que ces tableaux représentant des femmes à leur toilette étaient faits pour être montrés à des hommes !










A gauche : en haut : L'enfant gâté ; en bas : La jupe relevée - F. Boucher - 1742
A droite : en haut : La gimblette ; en bas : L'oeil indiscret ou la femme qui pisse - F. Boucher - 1742








La présence des domestiques dans ces différentes scènes nous fait comprendre que le bain est donc public : dames d'honneur ou de compagnie, artistes (musiciens, peintres -pour réaliser ces tableaux, l'artiste n'était-il pas présent lors de ces préparatifs ?-) et servantes sont systématiquement représentés.

Ce n'est qu'au XIXè siècle que sera créée une pièce qui ne servira qu'au maintien de la propreté ; pièce dans laquelle on voit les femmes s'enfermer et laisser leurs domestiques à l'extérieur.
Si l'on souhaite dans un premier temps, simplement montrer cette révolution de moeurs, en insistant par exemple, sur le marbre dont on tapisse les salles de bain afin de les rendre parfaitement hygiéniques, et sur le porte savon et le savon, accessoires désormais indispensables, les peintres de la modernité (Degas, Toulouse-Lautrec, et même Bonnard) iront plus loin en cherchant à percer le secret de cet espace intime. Ceci explique des compositions inédites, des vues en plongée sur le corps de femmes enjambant une baignoire ou relevant une jambe pour s'essuyer les pieds. On devine un entre-jambes ; on imagine le bruissement de la serviette frottée sur un corps encore humide. L'intimité dévoilée par ces peintres est réaliste et sensuelle.

L'exposition nous conduit jusqu'au XXè siècle où la toilette est liée à la mise en beauté : sont présentes dans l'exposition des affiches de campagne publicitaire. Les cosmétiques qu'on va très vite rebaptiser "produits de beauté" entrent dans le cercle intime de la femme. La salle de bains se garnit de ces pots de crème et bâtons de rouge qui deviennent l'apanage de la féminité.
La boucle est bouclée : le parcours de l'exposition s'achève sur une sérigraphie sur toile de A. Jacquet nommé "Gaby d'Estrées" et datant de 1965 : citation du célèbre tableau du Louvre représentant Gabrielle d'Estrées et la duchesse de Villars.

Jetez vous à l'eau et allez voir cette exposition pédagogique et ludique !


*Exposition "La Toilette - Naissance de l'intime" au musée Marmottan - 2 rue Louis Boilly - 75 016 PARIS - Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h sauf le lundi. L'exposition se termine le 5 juillet 2015.
Plein tarif : 11 €.


www.marmottan.fr

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