J’ai toujours regardé avec envie les tableaux de Frédéric Bazille
que possède le musée d’Orsay : mon préféré montre une réunion de famille,
où sur la terrasse de la maison, les parents du peintre posent paisiblement
pour la postérité… En regardant ces tableaux, il me vient l’envie de les
rejoindre, pour m’introduire dans leur conversation et participer à ces
éternelles collations…
J’ai donc été tout de suite enthousiasmée à l’idée de présenter
l’exposition monographique organisée par le musée d’Orsay il y a quelques mois.
Grand bien m’en a pris ! Je ne connaissais que très
superficiellement Frédéric Bazille ; et ce que j’ai découvert m’a émue et
m’a fait redécouvrir son œuvre sous un autre angle.
Réunion de famille, terrasse à Méric, 1867 - 1868. Huile sur toile, 152 X 230 cm. Paris, musée d'Orsay |
Car, au fond, que sait-on de lui ? qu’il a peint de
jolis tableaux baignant dans une chaude lumière provençale ; qu’il a été
un ami de Monet (qui le « tapait » régulièrement au début de sa
carrière !) ; qu’il est mort à l’âge de 29 ans pendant la guerre
franco-prussienne.
C’est à peu près tout. Je me suis contentée de ces quelques
bribes biographiques pendant longtemps.
Grâce à cette exposition, j’ai découvert que Bazille était
d’abord destiné à être médecin ; il commence à Montpellier ses études de
médecine avant d’obtenir l’autorisation de ses parents de les poursuivre à
Paris. Ce transfert lui permet en réalité de commencer un « double
cursus » : il entre dans l’atelier de Gleyre et finira par abandonner
la médecine pour se concentrer uniquement à la peinture. C’est donc là qu’il
rencontre Monet, Renoir, … toute cette jeune génération que nous connaissons
sous le nom d’impressionnistes.
Paris est le cœur de la bohème… Tous les artistes se
côtoient quelque soit leur domaine de prédilection… La rencontre avec Edmond Maître,
pianiste, sera capitale pour Frédéric Bazille.
Scène d'été 1869, Huile sur toile Fogg Art Museum, Cambridge, Massachusetts |
Cette exposition montre également une face largement
méconnue de l’œuvre du peintre. Il n’y a pas que des tableaux
pré-impressionnistes chez cet artiste. Son intérêt s’est porté sur tous les
genres : natures mortes (superbes bouquets de fleurs), portraits, et un
dernier tableau inspiré de la Bible. L ’on
sait également que le peintre inscrivit sur son livret militaire qu’il était
peintre d’histoire.
Quelle drôle d’idée ! Cela pose une question
essentielle : Bazille aurait-il été impressionniste s’il avait survécu à
la guerre franco-prussienne ?
Doit-on y voir une envie de rentrer dans le rang ?
Après tout, la famille lui avait accordé le droit d’arrêter ses études de
médecine pour être peintre … Mais peintre d’histoire dans les années 1860 était
plus acceptable que barbouilleur de paysages hostile à l’Académie (ainsi
étaient perçus les futurs impressionnistes).
Lui qui se sentait terriblement à part, ne voulait-il pas au
moins professionnellement parlant plaire à ses parents ?
Car la vie personnelle de Bazille est restée longtemps un mystère ; la bonne société du XIXè siècle (puis celle du XXè…) refusant d’ouvrir les yeux sur les préférences de ce jeune homme.
La famille mise au courant a dû protester ; vouloir le
ramener dans le droit chemin…
Frédéric a voulu prouver qu’il était un
« homme » ; un homme, ça fait la guerre… Comment expliquer
autrement le fait que ce peintre pacifiste ait soudain eu une idée et une seule
en tête, s’enrôler dans l’armée française pour combattre le prussien ? Et
ce, malgré un élan de générosité du père qui était prêt à payer un remplaçant à
son fils comme cela se faisait régulièrement à l’époque ?
Et comment ne pas comprendre dans la douleur folle du père
en apprenant le décès de son fils, cet affreux sentiment de culpabilité qui
ronge inlassablement ceux qui en sont atteints…
Musée d'Orsay - 1, rue de la Légion d'Honneur - Paris 7è - www.musee-orsay.fr
Musée d'Orsay - 1, rue de la Légion d'Honneur - Paris 7è - www.musee-orsay.fr
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